« Je voulais me faire exister pour les autres en leur communiquant, de la manière la plus directe, le goût de ma propre vie : j'y ai à peu près réussi » , estime Simone de Beauvoir (1908-1986) dans Tout compte fait, au terme d'une entreprise autobiographique sans équivalent dans son siècle.
Fut-elle toujours fidèle à cette volonté ? Manifesté dès l'enfance, son appétit de vivre, de lire et d'écrire aura poussé l'auteur du Deuxième Sexe à accueillir l'ambiguïté, la contradiction, parfois même la duplicité comme autant d'expériences de soi. Jusqu'au dégoût lorsque, à l'approche de la vieillesse, Sartre lui-même vint à lui manquer : n'était-il pas son lecteur capital ?
Avec leurs miroirs déformants, leurs trompe-l'œil, leurs faux espoirs et leurs désespoirs, les textes de Beauvoir sont une matière vivante arrachée à « cette mine d'or [...], toute une vie à vivre ». Qu'en reste-t-il aujourd'hui ? Le projet d'une œuvre - vie, insiste Jean-Luc Moreau dans ce récit d'un combat mené depuis l'adolescence pour opposer le « goût de soi » aux stéréotypes.
Et si Beauvoir tout entière était bien dans ses livres ? À notre époque d'identification aux images et d'uniformisation du goût, se pourrait-il qu'ils redonnent sens et actualité à l'existentialisme ? C'est tout l'enjeu de ce portrait biographique, qui place Simone de Beauvoir à l'épreuve d'elle-même et face aux exigences de sa liberté.
Essayiste, nouvelliste, traducteur, né en 1947, Jean-Luc Moreau est le théoricien de la « Nouvelle Fiction », auquel il a consacré un ouvrage fondateur (Critérion, 1998). On lui doit l'album Le Paris de Jean-Paul Sartre et de Simone de Beauvoir (chêne, 2001), ainsi qu'une étude remarquée, Sartre, voyageur sans billet (Fayard, 2005).
Écriture, 370 pages, 22 €
EN LIBRAIRIE DEPUIS JANVIER 2008
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