Le 23 février 1942, dans sa maison brésilienne de Petrópolis où il vivait en exil depuis six mois, est retrouvé le corps inerte de Stefan Zweig. Lovée contre lui, gît sa secrétaire Lotte Altmann, épousée en 1939, qui l'a suivi dans la mort après avoir partagé son errance. Tous deux se sont empoisonnés. Un suicide que le célèbre écrivain autrichien a lui-même présenté comme le dernier acte d'un homme farouchement attaché à sa liberté individuelle, à la langue allemande et incapable de prendre parti dans un monde en guerre.
Mais qu'en est-il des mobiles secrets de ce geste ? Le tempérament dépressif de Zweig était connu de tous, de même que sa conviction d'appartenir, en tant que juif et allemand, à une catégorie doublement honnie, sans futur dans un monde livré au saccage. À ce sentiment de dépossession identitaire s'ajoutait, depuis longtemps, la terreur du vieillissement et certains facteurs intimes, chez cet homme resté sans descendance. Sans omettre l'asthme incurable de Lotte, qui lui fournit l'alibi nécessaire pour l'entraîner dans son projet funeste...
En somme, Zweig avait bien des motifs de se supprimer. Dès lors, quel élément extérieur provoqua le geste fatal ? Accueilli à l'égal d'un Goethe lors de ses précédents séjours au Brésil, «terre d'avenir», Zweig y était devenu la cible d'une infamante campagne de presse, culminant une semaine avant son suicide... Ce paradis tropical était devenu son enfer. C'est l'un des indices soulignés par Dominique Frischer, qui reconstitue le labyrinthe mental où Zweig se trouva piégé. Une passionnante enquête littéraire, historique et psychologique, nourrie de sources brésiliennes, qui permet d'appréhender son œuvre et sa personnalité sous un jour nouveau.
Dominique Frischer a publié des essais remarqués, dont Les Analysés parlent (Stock, 1977), Le Moïse des Amériques (Grasset, 2002, prix du Livre d'Histoire et de Recherches juives) et Les Enfants du silence et de la reconstruction, la Shoah en partage (Grasset, 2008).
STEFAN SWEIG - AOTOPSIE D'UN SUICIDE, Dominique Frischer, Écriture, 350 pages, 21 €
EN LIBRAIRIE le 3 octobre 2011
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